• La presse écrite privée algérienne entre saisie et suspensionsPar : Mounir Outemzabt

    La saisie et la suspension de journaux n’a jamais eu fin même si la presse a connue aujourd’hui une incontestable stabilité et indépendance. En effet, rappelons-le alors, que c’est depuis les années 1990 que l’Etat procédait à l’élimination de journaux le dérangeant.

    En effet, si l’islamise est en son premier rang de censeur néfaste, la presse a du s’autocensurer sur ses sujets portants sur ce dernier. Reste la politique qui, elle, n’est pas un sujet à éliminer. Certains journalistes se permettent de revenir sur leurs décisions de s’attaquer à l’Etat, d’autres ne le font pas, notamment en présence de témoins, de sources et de l’audace.

    Une soixantaine de journaux ont été suspendus jusqu’à 1997. Dans la plupart des cas, ces mesures visaient alors à faire taire ceux qui étaient opposés à la politique d’éradication.

    A chaque fois, les mêmes motifs qui sont avancés. Soit suite à une « atteinte à la sûreté de l’État et à l’ordre public », ou bien une « diffusion d’informations tendancieuses faisant l’apologie du crime et de la subversion ».

    Sous le règne du président Abdelaziz Bouteflika (à partir de 1999), la censure a eu d’autres formes cachées. En 2004, le quotidien national Le Matin a été suspendu pour cause de non-paiement des dettes. Un journal qui dérangeait beaucoup le pouvoir.

    Depuis, tout est devenu stable jusqu’en 2013, date ou ont été suspendus le quotidien francophone Mon Journali et son pendant arabophone Jaridati. La raison : une « atteinte à l’Etat » suite au reportage sur l’état de santé du président de la république Abdelaziz Bouteflika. Celui-ci était en France pour des soins médicaux. Le chef de l’Etat est atteint d’un AVC lui ont causé une paralysie cérébrale et physique. Au moment où l’article a été rédigé, Bouteflika rentrait de l’hôpital de Val De Grace, en France, ou il  a été hospitalisé. Aucune information n’a été donnée sur sa santé jusqu'à nos jours. Pis, on entend des rumeurs de son décès ici et là mais rien ne se pointe à l'horizon. 

    En juin 2014, quatre journaux ont été interdit d’impression à cause des dettes : Djazair news en deux versions arabophone et francophone, et El Ajouaa en deux versions aussi.

    En juillet 2014, quatre journaux arabophones ont aussi subi le même sort et pour le même motif. Il s’agit  d’El Fajr (l’aube), El Sawt El Akhar (l’autre voix), El Ahdath (Les événements), et l’hebdomadaire spécialisé Itmag.

    Depuis, la tension a monté entre les directeurs de journaux et le ministre algérien de l’information et de la communication sur les raisons exactes des multiples suspensions de journaux. Les directeurs de journaux, à l’exemple de Mme Hadda Hazem, directrice d’El Fadjr, témoignent qu’il s’agit d’une « décision politique » et non commerciale comme l’a déclaré le ministre M Grine. Mme Hazem qui a saisi chacun des directeurs de l’imprimerie, le responsable commercial et le ministre pour des négociations en vue de trouver une solution, est très convaincue que « la décision est politique». Celle-ci, selon la presse algérienne, a manifesté avec les membres Barakat en 2004 contre le 4e mandat de Bouteflika. Chose qui explique toute décision prise contre son journal.

    En mars 2014, la censure a cette fois-ci changé de camp. C’est la chaine de télévision Al Atlas-tv qui a été suspendu par l’Etat. Cette chaine « virulente » n’avait pas d’autorisation de diffusion. Le point faible dont le pouvoir s’en est servi au bon moment.

    Selon le directeur du quotidien indépendant, Omar Belhouchet, cette chaine a dépassé la ligne rouge. « C’est l’une des rares à avoir donné la parole aux citoyens notamment contre le 4e mandat de Bouteflika. Les autres chaines organisaient des débats contradictoires, mais ça s’arrête là. Elles ne traitent pas vraiment ce qui secoue en ce moment l’Algérie, la colère et l’inquiétude».

    Ainsi, la plus récente suspension a été enregistrée en avril 2015. La chaine télévisuelle privée El Djazairia a été suspendue après avoir réitéré les révélations du Petit Journal Canal+ sur la divulgation des biens Premier ministre Algérien Abdelmalek Sellal et sa fille qui s’est offert un appartement sur les Champs-Elysées. Ces informations ont été données par les co-auteurs du livre Alger-Paris : « une histoire passionnelle ». Une polémique qui a éveillé une vive excitation en ce dernier qui a réagi en tant que ministre proche du pouvoir. 

    Le responsable de la chaine, M. Abdou Semmar, a été accusé de diffamation pour avoir dénoncé le prix de l’appartement, et donné l’adresse des biens de Sellal. Abdou Semmar estime qu’il n’y a pas eu d’atteinte. D’autres autorités l’ont appelé. Le ministre de la communication, puis l’autorité de régulation de l’audiovisuel.

    Ce qui est étonnant dans cette affaire c’est l’accusation du ministre de la communication. « Les médias officiels, eux-mêmes, nous accusaient d’atteinte aux symboles de l’Etat».  

    Toujours dans l’audiovisuel, en avril 2014 Dzair-tv a subi de grosses pressions la menaçant de fermeture. En mars 2014, deux comédiens et chroniqueurs de l’émission (Amine Ikhlef et Mohamed Bounoughaz) ont déclaré sur les plateaux de l’émission ‘’système dz’’ de la même chaine télévisuelle qu’ils ont été rémunérés par le pouvoir pour leur participation au clip de campagne au président-candidat Boutefilka.

     

    M.O.

     

    -    -    François Gèze et Sahra Kettab, Les violations de la liberté de la presse, dossier 7, Juin 2004

    -  - May Semmane, Non impression du journal El Fadjr : affaire politique, selon sa directrice, commerciale selon le ministre, article de presse publié sur Huffpostmaghreb, le 02/06/2014

    -  - Marie-Hélène Soenen, Atpas TV, première victime de la présidentielle algérienne, publié le 17/03/2014

    -    - interview avec Abdou Semmar

    -    -Jeune Afrique et El Watan

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